Le militantisme comme miroir de soi, ou comment libérer la pleine puissance de l’action sociétale.
(c) Barrett Ward
Je croise parfois des personnes qui souhaitent “redonner le pouvoir” aux autres. Ca peut être aux femmes, aux citoyens, aux travailleurs… C’est la mission qu’ils ou elles se sont fixée.
Elle m’interpelle, cette mission. Parce que :
1. L’acte de “redonner” implique que l’autre a eu le pouvoir à un moment et ne l’a plus aujourd’hui. Est-ce qu’il l’a perdu ? Est-ce qu’on le lui a pris ? Et si on le lui a pris, qui a osé ?
2. Je ne peux “redonner” que ce qui transite par moi. Qu’est-ce qui me fait croire que j’ai la main sur le pouvoir de l’autre ? Et comment je décide auprès de qui le récupérer ?
3. Si l’autre a besoin de moi pour “retrouver” son pouvoir, il est victime et je suis sauveur. Il y a certainement un bourreau quelque part aussi. Ce triangle n’est que dépendance mutuelle et prise de pouvoir les uns sur les autres. Ce n’est pas ça, le pouvoir personnel.
4. C’est justement par ma capacité à sortir du triangle que j’exprime mon pouvoir. Quand je n’ai besoin de personne à affronter, à sauver ou à écraser pour “pouvoir”.
5. Si je choisis de voir en l’autre une victime dépossédée de son pouvoir, c’est peut-être qu’à un endroit de moi je me sens dépossédé du mien et que j’attends qu’on me le rende.
6. Considérer le pouvoir comme un objet qu’on peut me prendre et me rendre, c’est le placer à l’extérieur de moi. Un peu comme un enfant à qui on confisque son jouet, et qui n’a aucune prise dessus.
7. En fait mon pouvoir a toujours été là, à l’intérieur. Il signifie simplement “je peux”. Tu n’as pas à me le “redonner”. C’est à moi de reconnaître l’étendue de mon “je peux” et de l’affirmer.
8. Ton pouvoir aussi a toujours été là. Toi aussi “tu peux”. Tu peux trouver un espace de mouvement même sous la contrainte. Tu peux trouver un espace d’ancrage même quand tout s’agite à l’extérieur.
9. Quand nos “je peux” se rencontrent, pas besoin de se prendre ni de se rendre quoi que ce soit. On discute et on ajuste, pour trouver l’espace de co-exister dans un “nous pouvons”.
Alors peut-on “redonner le pouvoir” ?
Je crois que le pouvoir est intimement connecté à la responsabilité. Je suis responsable de mon pouvoir. Quiconque tente de me faire croire le contraire est en train, consciemment ou non, de s’appuyer sur moi pour trouver le sien.
“Redonner le pouvoir” à l’autre, c’est en fait l’en éloigner.
Il est possible en revanche de soutenir l’expression de ce pouvoir. En commençant par reconnaître qu’il est déjà là. En soi. En l’autre. Et en apprenant à l’affirmer sainement.
C’est le rôle des psys, des coaches, des facilitateurs, etc…
Merci à nous donc.
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