Bertrand Michotte

Coaching & Facilitation

Comprendre le traumatisme à travers l’histoire de Cassie Bowden

Affiche officielle sans texte de la série The Flight Attendant (saison 1).

NB : Cet article s’appuie sur la série The Flight Attendant (saison 1) et son personnage principal pour traiter en profondeur le sujet du traumatisme. Visionner l’œuvre en amont n’est pas nécessaire à sa bonne compréhension. Il est en revanche truffé de spoilers 🙂

The Flight Attendant est une série beaucoup plus profonde qu’elle n’en a l’air. Sous couvert de thriller semi-burlesque, elle aborde de façon très directe le sujet du traumatisme. Elle offre également de nombreuses clés sur la guérison intérieure au spectateur qui saura les voir. C’est l’objet de cet article. Vous aider à les voir. Et peut-être même à les utiliser, si vous estimez un jour en avoir besoin.

Pour honorer cette intention, je vais d’abord planter le décor de la série et exposer les grandes questions qu’elle soulève autour du traumatisme. Je partagerai ensuite un éclairage théorique (mais fun quand même) qui vous aidera à comprendre comment tout ça fonctionne. Puis je vous proposerai mon analyse en profondeur de l’histoire de Cassie et de son chemin de guérison. Un cas que je trouve d’une grande richesse et qui, avec le recul, méritait vraiment que je lui consacre du temps.

I. Bouleversement dans la vie de Cassie

Cassie Bowden – incarnée par Kaley Cuoco (aussi connue pour son rôle de Penny dans Big Bang Theory) – est hôtesse de l’air. Lors d’un vol en direction de Bangkog, elle flirte avec l’un des passagers, Alex, qu’elle choisit de revoir à l’arrivée pour une nuit d’alcool et de sexe. Manque de bol, elle se réveille le lendemain matin à côté de son cadavre, paniquée et bien sûr totalement incapable de se souvenir de sa soirée.

Cet événement marque le début d’une enquête à plusieurs niveaux. L’officielle, celle de la police qui cherche le coupable. L’officieuse, celle de Cassie qui tente de reconstituer sa nuit. Et une troisième, plus intérieure : celle de son inconscient.

Ce ne sont pas les détails de l’enquête qui vont nous intéresser ici, mais plutôt l’ampleur de la transformation intérieure dont Cassie va faire l’expérience.

Au début de l’histoire, la vie de Cassie est marquée par le déni et la compensation par l’excès. Alcoolique au troisième degré, incapable de rester seule deux minutes, elle utilise l’alcool, les hommes et ses amis pour s’évader. Et ça semble fonctionner. Ses relations sont omniprésentes et toujours suffisamment superficielles pour ne jamais avoir à creuser qui elle est. Son alcoolisme reste tabou, même avec son amie la plus proche. Le seul qui ose la confronter sur le sujet est son grand frère, mais sans succès. Et on se rend vite compte qu’avec lui non plus, ce ne sont pas les tabous qui manquent.

Mais la mort d’Alex va marquer un tournant dans son existence.

Présentation de Cassie Bowden.

En l’espace de seulement quelques jours, elle va être soupçonnée puis disculpée de meurtre, elle va elle-même soupçonner et se tromper, mais surtout elle va arrêter de boire et intégrer un groupe de parole aux alcooliques anonymes, elle va découvrir une nouvelle profondeur à ses relations amicales, lever la barrière invisible qui l’avait toujours séparée de son frère, apaiser sa relation aux hommes et apprendre à se stabiliser dans un couple.

Le choc provoqué par ce lendemain de soirée tragique va en effet réactiver des mémoires profondément enfouies en elle. Mémoires qu’elle passera toute la série à interpréter pièce par pièce, à l’aide d’une nouvelle capacité étonnante à plonger dans son inconscient pour en ramener des réponses. Jusqu’à arriver au cœur de ce qu’elle ne voulait pas voir.

30 ans plus tôt, elle s’était réveillée aux côtés de son père mort, à la suite d’un accident de voiture. Ils avaient bu tous les deux malgré son jeune âge. Incapable de trouver du sens à ce drame, elle avait choisi de se raconter que c’était sa faute, avant de se forcer à oublier.

Toutes ces années, elle portait sans le savoir les traces de ce grave trauma et parmi elles, le poids intolérable de la culpabilité. Toute sa vie était construite pour la préserver de ce souvenir et en compenser les effets. Un château de cartes qui avait miraculeusement tenu bon, jusqu’à ce réveil aux côtés du cadavre d’Alex après une soirée trop alcoolisée. 

Identique en tous points à son trauma d’enfance, cette scène allait résonner tellement fort en elle que son équilibre bancal allait voler en éclats, la laissant face à ce que l’adolescente qu’elle était voulait par dessus tout oublier.

Pourquoi Cassie vit-elle cette répétition ? Comment va-t-elle s’appuyer dessus pour transformer sa vie ? Quels sont les mécanismes profonds qui sont à l’œuvre chez elle ? Quel rôle joue l’enquête sur le meurtre d’Alex dans ce processus intérieur ?

Quatre questions brûlantes auxquelles nous allons maintenant pouvoir répondre.

II. Comprendre le traumatisme

The Flight Attendant (saison 1) décrit selon moi avec beaucoup de justesse la façon dont la psyché traite le traumatisme, et représente donc une occasion en or de le décortiquer ensemble. Mais avant d’entrer dans les coulisses du trauma de Cassie et de son chemin de guérison, commençons par un exercice de définition.

Je précise que ce n’est pas une définition académique mais la mienne. Je l’ai construite au fil de mes lectures, formations, coachings, et bien sûr de mon vécu personnel du sujet.

1. Qu’est-ce qu’un trauma et comment ça fonctionne ?

Lorsqu’une expérience de vie déclenche une réaction émotionnelle tellement douloureuse qu’il est impossible de la traverser sur le moment, on parle de trauma. Cela peut être lié à un événement spécifique ou se construire dans la durée (cf : troubles de l’attachement). Dans les deux cas, il s’agit pour la psyché de gérer l’ingérable.

Pour ce faire, elle va enfouir les mémoires de l’expérience traumatique dans l’inconscient, et figer la réaction émotionnelle dans le cerveau et les tissus corporels.

En d’autres termes, elle provoque un court-circuit qui coupe l’accès à cette trop grande souffrance afin d’assurer la survie psychique, et parfois même physique, de la personne.

Mais le trauma ne disparaît pas pour autant. Il reste tapis dans l’ombre. Le cerveau ne fait que se leurrer pour s’en protéger, le temps de développer la capacité de le traiter.

C’est pourquoi les mémoires traumatiques ne sont jamais stockées de façon isolée. Elles sont chargées de souvenirs, croyances, comportements et stratégies soigneusement sélectionnés pour maintenir une version de la réalité dans laquelle le trauma n’existe pas. C’est ce qu’on appelle le déni. Toutes ces informations forment alors un amalgame qui cristallise et devient intouchable, permettant ainsi à la personne de continuer à avancer malgré les failles.

Cassie noue un lien avec Alex sans savoir qu'il s'agit d'une répétition de son trauma d'enfance.

Bien sûr, aussi efficace soit-il, ce mécanisme n’est pas sans conséquences.

D’une part, il est très enfermant, car le sentiment d’identité se met à dépendre d’une version tronquée de la réalité. D’autre part, la personne sait au fond d’elle-même que quelque chose cloche, ce qui peut se manifester au quotidien par toutes formes de symptômes : sentiment d’insécurité, mal-être inexplicable, maladies…

C’est ainsi que ce mécanisme de figement, conçu initialement pour nous protéger, devient le principal obstacle à notre guérison. Car pour guérir, il est nécessaire de libérer le trauma. Nous devons retourner au cœur des mémoires enfouies, et offrir à nos parts blessées ce dont elles ont besoin pour trouver résolution.

Et c’est là toute la difficulté :

Comment faire face à des mémoires qui sont à la fois complètement inconscientes, et scellées sous des couches d’informations destinées à nous en préserver ?

2. Comment guérir ?

La réponse est en fait assez simple. La vie se charge de venir nous chercher quand nous sommes prêts, à l’aide de messages qui proviennent de l’intérieur et de l’extérieur.

L’intérieur s’exprime par les symptômes émotionnels et physiques qui, si on accepte d’y prêter attention, deviennent une porte d’entrée directe vers les mémoires concernées.

L’extérieur quant à lui, communique par la répétition. Concrètement, nous allons revivre encore et encore des rappels de nos expériences traumatiques, dans des versions à peine déguisées, qui vont venir raviver les émotions bloquées. Cet effet de résonance provoque peu à peu des fissures dans les différentes couches de protection, permettant ainsi aux mémoires enfouies de remonter à la surface.

Précision importante. Si ce processus peut paraître menaçant, il est en fait entièrement au service de notre guérison. Et pour preuve, il s’articule toujours de façon parfaitement coordonnée, dans un ordre et avec un timing qui respectent à la lettre le développement du cerveau et sa capacité à traiter l’information.

Tout ce que ces informations demandent au final, c’est d’être vues et intégrées lorsque nous en aurons la capacité physique et émotionnelle. Ce qui est plus facile à dire qu’à faire, lorsque ce qui nous fait le plus peur pousse les portes de la conscience.

C’est à ça entre autres que servent l’accompagnement thérapeutique et certaines formes de coaching. A trouver les ressources d’entamer un dialogue avec les endroits de notre inconscient qui contiennent nos blocages, mais aussi les clés de notre libération. Certains appellent cette pratique “shadow work”.

III. L'histoire de Cassie, du trauma à la guérison

Depuis cette grille de lecture des mémoires traumatiques, je peux maintenant vous proposer ma reconstitution de l’histoire de Cassie Bowden et l’aborder comme une illustration concrète de tout ce que je viens de décrire. C’est rare de trouver un cas pratique aussi poussé et non confidentiel, alors profitons-en.

Cassie regarde vers le passé pour faire face à son trauma et en guérir.

1. Le trauma

Cassandra Bowden est née cadette d’une fratrie de deux. Son grand frère Davey ne correspondant pas aux standards de ce que doit être un homme dans le regard de leur père, ce dernier accueille Cassie comme “le fils qu’il aurait aimé avoir”. Cette posture du père crée une blessure de rejet chez Davey bien sûr, mais aussi chez Cassie. Elle a beau être la préférée, elle sait au fond qu’elle n’est pas aimée pour ce qu’elle est.

Pour se sentir exister, elle choisit alors de ranger sa blessure au fond de son inconscient et d’offrir à son père le lien qu’il souhaite vivre avec elle : un lien de père à fils.

Ce lien est toxique sous différents aspects.

Perpétuellement mise en compétition avec Davey pour rappeler à ce dernier à quel point il est un “raté”, elle devient la complice du père dans cette manœuvre de harcèlement. Car plus son frère est dénigré, plus elle se sent exister dans l’œil paternel. 

Peut-être plus insidieux encore, le père utilise l’alcool comme récompense. Chaque fois qu’il est satisfait de Cassie, il lui propose de boire une bière en sa compagnie, en cachette de leur mère. Lui le fait avant tout pour justifier son alcoolisme. Elle, dans son regard de petite fille, y voit une preuve de lien, et l’occasion de vivre des moments privilégiés avec son père. “Il boit pour être avec moi”, aime-t-elle se raconter.

Puis arrive l’accident. Elle, assise sur le siège passager. Lui ivre au volant, en train de chercher une seconde canette pour sa fille. La suite, on la connaît. Elle se réveille en état de choc, à côté de son père mort.

Face à une telle situation, et connaissant la nature de leur relation, que se raconte la jeune Cassie à ce moment-là ? Elle idéalise tellement son père qu’il ne peut être le responsable de l’accident. Elle a tellement besoin de croire qu’il boit pour passer du temps de qualité avec elle qu’une seule conclusion fait sens : “c’est ma faute”.

Cette sentence est à double tranchant pour elle.

D’un côté elle en a besoin pour corroborer toute l’histoire qu’elle s’est racontée sur l’amour que lui portait son père. Envisager autre chose que “c’est pour moi qu’il buvait au volant” représenterait un danger bien trop grand pour sa faible estime d’elle-même. D’un autre côté, c’est une responsabilité intolérable à porter pour la pré-adolescente qu’elle est.

C’est dans ce conflit intérieur que se crée le trauma majeur de Cassie.

Les mémoires de l’accident, de sa culpabilité, ainsi que tous ses doutes sur l’amour que lui portait son père vont former un noyau intouchable dans son inconscient. Ce noyau sera enfoui sous plusieurs couches d’informations sélectionnées, amalgamées puis cristallisées ensemble à des fins d’auto-préservation. Parmi elles, le souvenir de son père comme d’un homme parfaitement sain. Celui du grave harcèlement envers Davey comme de simples taquineries venant ponctuer une relation familiale joyeuse et soudée par ailleurs. Enfin, l’interdiction totale d’envisager la possibilité que son père ait pu souffrir d’alcoolisme.

Souvenir du lien privilégié de Cassie et son père, unis contre son frère Davey.

Mais juste avant de s’enfuir chercher du secours, et de sceller toute cette souffrance au fond d’elle-même, elle aperçoit un jeune lapin blanc. Ce dernier restera pour les années à venir un symbole de l’accident doublé d’un pont direct vers les mémoires traumatiques qui lui sont associées.

2. Se construire avec le trauma

30 ans plus tard, Cassie est hôtesse de l’air et passe sa vie à se fuir. Se fuir en ne restant jamais au même endroit plus d’une nuit, en cherchant du drame et de l’intensité partout où elle va, en enchaînant les hommes rencontrés dans les avions ou dans les bars, le tout sur fond d’alcoolisme qu’elle est la seule à ne pas voir.

Cette vie frénétique lui permet d’éviter toute réelle intimité. Même la personne qu’elle qualifie de “meilleure amie” ne la connaît que très peu. Chacune ayant des choses à cacher, elles entretiennent une relation de surface qui sert leur déni mutuel.

Côté famille, elle n’a plus aucun lien avec sa mère depuis longtemps. Elle garde une connexion chaleureuse mais lointaine à son frère, qui lui permet de préserver la version édulcorée qu’elle a de leur enfance commune.

Mais c’est surtout sa relation à l’alcool qui sert de ciment à son existence.

Toujours une fiole de vodka dans son sac, elle aime se raconter qu’elle boit pour être en lien, notamment avec les hommes, exactement comme elle le faisait plus jeune.

En apparence ça n’a que des avantages. L’alcool l’aide à maintenir inconsciemment un lien avec son père, à le faire exister, tout en la préservant de ses angoisses chroniques et de tout ce qu’elle ne veut pas voir en elle. Mais surtout, son rapport prétendument “social” à l’alcool lui permet de nier en bloc son propre alcoolisme, et par extension celui de son père.

Que deviendrait-elle si ce lien originel privilégié, tellement central pour son estime d’elle-même, s’avérait moins authentique que dans sa mémoire ?

C’est un réveil tragique dans un hôtel à Bangkok qui la mettra face à cette question.

Lorsqu’elle émerge de sa folle nuit d’alcool et de sexe à côté du cadavre d’Alex, sans aucun souvenir des détails et terrorisée à l’idée d’être impliquée dans le meurtre, elle est secouée jusque dans ses fondations. Sans en avoir conscience, elle est en train de vivre une réplique exacte de son traumatisme d’enfance.

Une fois de plus, elle se réveille aux côtés de son père mort, pleine de questionnements sur sa part de responsabilité dans le décès.

3. Le chemin de guérison

Cette répétition inconsciente vient résonner avec fracas sur l’angoisse de culpabilité de la jeune Cassie. Pile au cœur du noyau traumatique que son moi adulte avait réussi tant bien que mal à contenir jusque là.

La résonance est telle que l’amalgame figé du trauma et de toutes les mémoires associées se fissure, laissant à l’information l’espace de remonter peu à peu à la surface.

Cassie adulte console et rassure la jeune Cassie pour guérir de son trauma.

« Ce n’est pas ta faute. »

Elle est alors prise d’un besoin irrépressible de mener sa propre enquête et de résoudre le mystère de la mort d’Alex. Elle doit découvrir la vérité coûte que coûte. Elle va vite se rendre compte que plus elle avance, plus elle s’approche d’une autre forme de vérité, plus intérieure, qui se présente à elle sous forme de flashes et de souvenirs. Comme l’image récurrente de ce lapin blanc dont elle ne comprend pas la signification.

Comme pour la soutenir sur son chemin, elle révèle une capacité inattendue à descendre en elle, au fond de son inconscient, pour en ramener de l’information. Une forme de “shadow work” spontané et hors de son contrôle, mais qui joue un rôle clé dans son enquête. Elle y retrouve régulièrement Alex, ou plutôt, la part en elle qui sait qu’Alex est le lien entre son présent et son passé. Cette part semble détentrice d’une forme de sagesse. Elle lui pose les bonnes questions, l’aide à interpréter les indices au sujet du crime, mais aussi à propos de tous ces flashes qui l’assaillent, et la pousse à regarder là où elle ne serait pas allée seule.

Peu à peu, l’enquête sur son présent et celle sur son passé se synchronisent. Sa vie se met à changer à la manière d’un miroir de sa psyché. Et on peut observer à l’extérieur le reflet de ses déclics et dénouements intérieurs.

La première partie de son enquête en solo est à l’image de sa présomption de culpabilité enfouie. L’adolescente qu’elle était se croit responsable du décès de son père et c’est ce que le monde lui renvoie dans l’affaire Alex. Toujours au mauvais endroit au mauvais moment, elle devient la suspecte numéro un pour la police. L’énormité de ce qu’elle découvre et les litres de Vodka qu’elle consomme font grandir les suspicions même chez ses proches. Sa meilleure amie finit par abdiquer à son tour.

Cassie, elle, est persuadée d’avoir mis la main sur la véritable coupable qui, bien sûr, la traque en retour. Pour se rendre compte que cette Miranda est en fait plus bienveillante qu’elle n’en a l’air, et qu’elle est détentrice de l’identité du meurtrier. Dans l’inconscient de Cassie, ce retournement ouvre la porte à des souvenirs d’enfance qui lui montrent une autre version, bien moins idéale, de son père. Le véritable responsable de l’accident.

Mais c’est une dispute avec son frère qui crée en elle le premier déclic.

Suite à cette conversation difficile, elle accepte enfin de regarder leur enfance commune telle qu’elle était. Une Cassie qui se joignait à son père dans le harcèlement constant de Davey pour rester la fille préférée. Les excuses qu’elle présentera à son frère ce jour-là feront péter la première couche de protection de son trauma.

Il ne lui faut alors plus grand chose pour atteindre le noyau. C’est sa présence accidentelle à une réunion des alcooliques anonymes qui jouera ce rôle.

Dans une dernière attaque de panique, elle est mise face à son propre alcoolisme et doit donc accepter celui de son père. Le souvenir du crash lui revient alors très précisément en mémoire. Son père était ivre au volant parce qu’il était alcoolique, pas parce qu’il voulait passer du temps de qualité avec sa fille.

Au coeur-même de ce souvenir, elle peut enfin consoler l’adolescente pétrifiée qu’elle était, et lui dire ce qu’elle avait besoin d’entendre depuis toujours : 

“Ce n’est pas ta faute”.

C’est une réalisation à la fois libératrice et extrêmement douloureuse. Libératrice car elle peut maintenant lâcher cette culpabilité intolérable qu’elle portait en elle, ainsi que toutes les croyances, comportements et stratégies qui lui permettaient de compenser. Douloureuse car elle va maintenant devoir faire face à ce que la culpabilité dissimulait : le sentiment qu’elle n’était pas “le fils” que son père désirait et qu’elle ne pourra jamais l’être.

La sortie de son déni l’ouvre à une nouvelle forme de détermination. Elle sait qu’elle a du chemin à faire vers elle-même pour s’aimer telle qu’elle est. Et elle est prête à l’emprunter (ce qui sera d’ailleurs le sujet central de la saison 2).

Un rapprochement amical qui symbolise la guérison de Cassie.

Au même moment, tout se dénoue à l’extérieur. L’amie de Cassie apporte à la police des preuves irréfutables qui la lavent de tout soupçon dans le meurtre d’Alex. Elle est officiellement disculpée. Et plus jamais elle n’aura à se réveiller ivre aux côtés du cadavre d’un homme qu’elle craint d’avoir tué.

Conclusion

Il est clair que nos traumatismes ne sont pas toujours aussi théâtraux que celui de Cassie Bowden. Les troubles de l’attachement, construits dans la durée, sont souvent plus discrets. Eux aussi se répètent, mais ils font tellement partie de notre quotidien que nous nous sommes conditionnés à les considérer comme la norme. Jusqu’à ce que la souffrance dans le couple ou dans le travail finisse par nous convaincre de décaler le regard.

L’expérience de Cassie a le mérite d’être suffisamment identifiable, extrême et complexe pour nous permettre d’observer la psyché à l’œuvre sur un temps très court, et la transformation spectaculaire que peut occasionner la guérison d’un noyau traumatique.

Dans son cas, l’effet de répétition est très brutal car proportionnel à la force de son déni. C’est sa psyché qui la pousse à se faire face pour lui éviter d’aller définitivement dans le mur. En contrepartie, elle révèle en elle des capacités insoupçonnées qui lui seront précieuses. Je n’ai d’ailleurs jamais entendu parler d’une telle faculté à descendre dans l’inconscient de façon spontanée. Le “shadow work” est généralement une démarche consciente, cadrée et de préférence accompagnée. Surtout au début.

Précisons donc que si vous vous reconnaissez dans certains des mécanismes décrits ici, je vous recommande vivement de chercher le soutien d’un professionnel compétent. Personne ne devrait avoir à traverser seul(e) de tels bouleversements.

J’aimerais terminer en rappelant que la répétition, aussi inconfortable soit-elle, est un cadeau, car elle nous permet d’oser découvrir les endroits de nous-mêmes qui souffrent et de leur offrir résolution. Par la répétition, c’est nous qui nous guérissons.

Par ailleurs, plus nous apprenons à nous écouter, moins les répétitions seront fréquentes et brutales. Là où un déni profond peut occasionner toutes sortes de symptômes indésirables, à l’intérieur comme à l’extérieur, s’écouter permet à l’inverse de voir que chaque émotion, chaque sensation subtile dans le corps, peuvent nous guider simplement vers nos traumas non-résolus. Elles deviennent alors une porte naturelle vers la guérison. 

Et si la vie n’était en fait qu’une succession de répétitions, jusqu’à ce que l’on accepte d’aller regarder en nous ce qui attend, parfois depuis fort longtemps, d’être vu ?

Image de Bertrand Michotte

Bertrand Michotte

Je coache les dirigeant(e)s d'entreprises en questionnement et facilite les réunions, ateliers et séminaires de leurs équipes.

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